Des biologistes ont réussi à protéger des souris contre l’inflammation chronique de l’intestin en libérant dans celui-ci, grâce à une bactérie, une protéine humaine aux propriétés anti-inflammatoires.
Des yaourts thérapeutiques qui protégeraient l’organisme contre les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, telles que la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique : voilà ce qu’ont imaginé Nathalie Vergnolle, du Centre de physiopathologie de Toulouse Purpan (Inserm/Université Toulouse III – Paul Sabatier/CNRS), Philippe Langella, de l’Institut Micalis (INRA/AgroParisTech), et leurs collègues, en collaboration avec l’Institut Pasteur.
Les biologistes ont déjà franchi une première étape considérable dans ce sens : d’une part, ils ont modifié génétiquement des bactéries alimentaires utilisées dans les produits laitiers pour qu’elles produisent une protéine anti-inflammatoire de l’intestin humain, l’élafine ; d’autre part, ils ont montré que ces bactéries diminuent les symptômes sur des souris et des lignées de cellules intestinales humaines en culture.
En France, près de 200 000 personnes souffrent de maladies inflammatoires chroniques de l’intestin, et leur nombre augmente chaque année. Les crises se manifestent par des douleurs abdominales, des diarrhées fréquentes, parfois sanglantes, et des ulcérations. Les traitements actuels sont souvent insuffisants : les anti-inflammatoires non stéroïdiens ne soulagent que les cas modérés ; quant aux molécules utilisées lors de crises importantes – des glucocorticoïdes ou des anticorps qui bloquent l’activité de la cytokine TNF, impliquée dans la réponse inflammatoire –, elles ont des effets secondaires importants et 20 à 40 pour cent des patients y sont résistants. La dernière issue est l’ablation de la portion d’intestin atteinte.
Produite dans l’intestin humain, l’élafine participe à la protection de celui-ci contre les agressions inflammatoires. Toutefois, les individus atteints d’inflammation chronique de l’intestin n’expriment plus cette protéine. Une nouvelle source suffirait-elle à protéger leurs intestins ? Pour le savoir, les biologistes ont introduit le gène de l’élafine dans des bactéries Lactococcus lactis et Lactobacillus casei, utilisées dans la fabrication de produits laitiers, et ont administré oralement ces bactéries à des souris soumises à une inflammation chronique de l’intestin. Résultat : non seulement l’élafine était bien sécrétée dans l’intestin des souris, mais elle les protégeait de l’inflammation.
Aucun effet secondaire n’a été observé chez la souris, et les biologistes ont bon espoir qu’il en soit de même chez l’homme. « L’élafine est un inhibiteur de protéases à spectre étroit, et est, de plus, déversée après l’estomac ; elle ne devrait donc pas perturber la digestion. Sans compter que l’élafine a déjà été administrée à l’homme en intraveineuse sans effet secondaire, explique Nathalie Vergnolle. Quant aux bactéries lactiques, elles sont couramment utilisées dans des yaourts et des fromages sans effet secondaire observé. » Une compagnie américaine de biotechnologies a déjà racheté le brevet déposé par l’équipe et prépare les essais cliniques.
Source : Pour la science